Planification, Ordonnancement et Lean Manufacturing

Le Lean n’est pas uniquement un ensemble d’outils de production : c’est une philosophie de gestion qui vise à atteindre l’excellence opérationnelle en éliminant les gaspillages, en optimisant les flux et en mettant les équipes au centre de la performance.
Si l’on pense souvent au Lean à travers le 5S, le management visuel ou encore la réduction des temps de changement de série, un domaine reste parfois sous-estimé : la planification et l’ordonnancement de la production.

Or, une organisation performante ne peut se contenter d’améliorer uniquement les postes de travail. C’est en amont, au moment de la planification des ressources et de l’ordonnancement des ordres de fabrication, que se joue une grande partie de la performance des flux et du respect des délais. Un planning rigide, complexe ou déconnecté du terrain peut anéantir des semaines d’efforts Lean.

À l’inverse, une planification agile, visuelle et connectée au Gemba devient un puissant levier de compétitivité.

Planification et ordonnancement en mode Lean sur un tableau digital SmartWip

Dans cet article, nous allons explorer les principes Lean appliqués à la planification et à l’ordonnancement, les gaspillages typiques que l’on peut éliminer, ainsi que des pratiques concrètes pour transformer la manière de piloter la production.

Pour revoir les fondamentaux, consultez notre article sur les bases du Lean en cliquant ici.

Les enjeux de la planification en environnement Lean

Traditionnellement, la planification industrielle repose sur des systèmes centralisés, souvent informatisés (ERP, MRP), qui calculent les besoins et génèrent des ordres de fabrication. Ces approches, bien que structurantes, souffrent de deux limites majeures :

  • Une lourdeur et une complexité excessive : plus l’ERP est sophistiqué, plus les équipes perdent du temps à saisir, corriger, replanifier.
  • Un décalage avec la réalité terrain : le planning, construit de manière théorique, ne peut anticiper ni intégrer tous les aléas rencontrés (pannes, absences, urgences client).
  • Dans un contexte Lean, l’objectif est donc double :
    1. Simplifier et fiabiliser la planification,
    2. Rendre l’ordonnancement plus agile et plus visuel pour absorber les variations du quotidien.

Identifier les gaspillages liés à la planification

Les « mudas » ne se trouvent pas uniquement dans l’atelier, ils sont aussi très présents dans la gestion du planning. Voici quelques gaspillages typiques :

  • Muda de surproduction : lancer trop d’ordres de fabrication trop tôt, créant des encours inutiles.
  • Muda d’attente : opérateurs et machines en attente d’instructions parce que le planning n’est pas clair ou est déjà obsolète.
  • Muda de traitement inutile : passer des heures à recalculer des plannings détaillés qui seront caducs le lendemain.
  • Muda de mouvement : aller chercher les informations de planification dans différents outils ou services.
  • Muda de défauts : erreurs dans les OF, quantités mal calculées, doublons.

En Lean, le but est de réduire la complexité, rendre visible l’état d’avancement et connecter le planning au terrain.

Les principes Lean appliqués à la planification et à l’ordonnancement

Travailler en flux tiré

Au lieu de pousser les ordres de fabrication en fonction de prévisions incertaines, on ajuste la production en fonction de la demande réelle et des capacités des ressources disponibles à l’instant t. Cela peut d’ailleurs se traduire par l’utilisation de Kanban, de Conwip ou de Polca.

Synchroniser avec le Takt Time

Le Takt Time – rythme imposé par la demande client – devient une boussole. L’ordonnancement doit viser à équilibrer la charge de travail pour coller à ce tempo.

Rendre le planning visuel

Un tableau simple, accessible par tous, vaut souvent mieux qu’un Gantt informatique complexe. Les équipes peuvent ainsi voir en un coup d’œil la charge, les priorités et les anomalies.

Intégrer l’amélioration continue

La planification ne doit pas être figée : elle s’améliore chaque jour grâce au retour terrain. Les écarts entre le planifié et le réalisé sont autant d’occasions d’apprendre.

Comment appliquer ces principes

Instaurer un management visuel du planning

Au lieu d’un planning seulement visible dans l’ERP, mettez en place un tableau physique ou digital accessible par tous. On y visualise :

  • les OF en cours,
  • les priorités du jour,
  • les retards,
  • les capacités disponibles.

Pour commencer, vous pouvez utiliser des cartes Kanban ou Conwip avec des étiquettes magnétiques représentant les OF. Elles seront déplacées sur un tableau mural physique ou digital au fur et à mesure de leur avancement dans l’atelier.

Passer du flux poussé au flux tiré

Plutôt que de saturer l’atelier d’ordres en avance, on limite le nombre d’OF engagés. Des systèmes simples comme le Conwip ou le Kanban d’emplacement (un conteneur vide déclenche la production) permettent déjà de réguler le flux.

Vous obtiendrez ainsi une baisse des en-cours, une meilleure réactivité, et surtout, un ordonnancement très simplifié.

Conseil : Lire notre livre blanc sur le sujet des flux tirés pour avoir une idée plus globale de la bonne méthode selon votre contexte

Réduire la taille des lots

Un grand classique du Lean : plus les lots sont petits, plus la planification gagne en flexibilité. Certes, cela nécessite de travailler sur les changements de série (SMED), mais les gains en agilité et en respect des délais sont considérables.

Instaurer un rituel quotidien de pilotage

Chaque matin, il suffit d’une courte réunion de planification opérationnelle pour :

  • ajuster les priorités,
  • résoudre les problèmes bloquants,
  • partager la charge avec les équipes.

Ce rituel dure en général 15 minutes et se déroule au pied des machines.

Impliquer les équipes dans l’ordonnancement

Trop souvent, la planification est vécue comme une directive imposée par un service extérieur à l’atelier. En Lean, les opérateurs doivent être associés : ils connaissent les contraintes réelles, les astuces et les limites de leurs postes.

La solution est de co-construire l’ordonnancement de la journée avec les chefs d’équipe, dans le respect des priorités données par la Supply Chain.

Simplifier les outils

Un outil trop complexe est contre-productif. Mieux vaut un tableau simple, clair et mis à jour en temps réel, qu’un ERP trop lourd d’utilisation et finalement réservé aux initiés.

Une bonne solution est de mettre en place un tableau blanc et des post-it, ou encore un tableau digital de pilotage installé en atelier.

Optimiser l’ordre de passage sur les ressources critiques

Il s’agit par exemple de regrouper des OF similaires pour remplir un four de traitement thermique et économiser de l’énergie, ou encore pour éviter des changement d’outils sur un centre d’usinage goulot. Cela doit se faire dans le respect des délais promis aux clients, et c’est là que le processus d’ordonnancement apporte toute sa valeur ajoutée.

Si l’on a déjà réduit les en-cours grâce au flux tiré, la combinatoire des possibles s’en trouve réduite et l’ordonnancement considérablement simplifié, au point que des techniques de management visuel deviennent possibles en lieu et place d’algorithmes de calcul complexes.

Retour d’expérience

Nous avons vécu le cas d’une unité de fabrication de pièces mécaniques en petites séries.

Avant la démarche Lean :

  • le service planification passait des heures à calculer chaque semaine un planning Excel très détaillé, puis à le réajuster chaque jour,
  • l’atelier recevait des ordres en masse, sans visibilité claire des priorités,
  • les encours explosaient, et les délais clients étaient rarement tenus.

Après un chantier Lean :

  • le flux a été réorganisé en Conwip, limitant le nombre d’OF simultanément présents en atelier,
  • le service planification s’est concentré sur le tri des OF en salle d’attente (c’est-à-dire les OF lancés mais pas encore engagés en atelier) et sur l’identification des priorités client (pas plus de 10 % du nombre total d’OF engagés),
  • un tableau visuel partagé a été installé dans l’atelier,
  • l’ordonnancement sur des bancs de test critiques a été réalisé en mode management visuel, sans recours à des algorithmes informatiques,
  • une réunion de 15 minutes chaque matin a permis de passer les consignes entre planification et atelier et d’ajuster les priorités si besoin.

Pour conclure

La planification et l’ordonnancement sont trop souvent considérés comme une activité purement administrative, déconnectée du Lean. En réalité, il est très bénéfique de les associer.

Appliquer les principes Lean à la planification et à l’ordonnancement, c’est :

  • éliminer les gaspillages liés aux surcharges administratives,
  • rendre les priorités claires et visibles,
  • instaurer un flux tiré au service du client,
  • responsabiliser les équipes sur le pilotage quotidien.

Les Quick Wins existent et sont accessibles : un tableau visuel, un rituel de pilotage, une réduction des lots, un Kanban ou un Conwip bien conçus … Ces petites actions créent une dynamique positive et posent les bases d’une transformation plus profonde.

Car au fond, le Lean nous rappelle que la planification parfaite n’existe pas. Ce qui compte, c’est un ordonnancement simple, agile, connecté au terrain, capable de s’adapter aux aléas tout en assurant le respect des dates clients.

L’équipe WIPSIM.

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